ANTIGUA ET BARBUDA - L'île de Redonda enfin protégée

Il y a quelques années, je vous avais parlé des efforts accomplis pour restaurer l'environnement de l'île de Redonda, un rocher de 1,5 km² qui était naguère peuplé d'espèces invasives et devenu stérile, avant de redevenir un sanctuaire animalier luxuriant avec l'élimination des ravageurs dans le cadre d'un programme réalisé à partir de 2016. Les chèvres et les rats avaient proliféré pendant des siècles - et peut-être dès l'arrivée des premiers navires espagnols dans le sillage des expéditions de Christophe Colomb ! -, détruisant la végétation, et provoquant aussi, avec un accroissement de l'érosion du sol, une altération des récifs coralliens des alentours, qui finissaient écrasés par les roches éboulées ou pollués par les matières en suspension.

Depuis 2017 (année de l'élimination des chèvres et rats), la biomasse végétale (arbres inclus) a augmenté de 2.000% sur l'île, 15 espèces d'oiseaux localement disparues s'y sont réinstallées et les espèces de reptiles endémiques de l'île ont vu leurs effectifs quadrupler en moyenne. Mieux encore, l'Ameive de l'île Redonda Pholidoscelis atratus, un lézard qui ne vit nulle part ailleurs et qui est officiellement classé "en danger critique d'extinction" à l'heure actuelle (population estimée à environ 5.000 individus en 2010) a vu sa population multipliée par 13 dans le même laps de temps !

La restauration se poursuit, avec notamment des mesures de biosécurité pour prévenir de nouvelles invasions, de la recherche pour évaluer la vitesse et le degré de restauration de la biodiversité insulaire, la promotion de pratiques de pêche durables, voire la planification de réintroduction d'espèces a priori incapables de recoloniser l'île par leurs propres moyens à court terme (Iguanes, Chouettes des terriers). Le développement d'activités écotouristiques serait aussi envisageable sur l'île (comme c'est actuellement le cas, dans des cadres bien contrôlés, sur d'autres îles comme les Seychelles et la Nouvelle-Zélande). Je vous tiendrai informés des avancées de la protection et de la restauration de l'environnement sur cette île, dès que j'aurai des éléments à ce sujet.

Aujourd'hui, l'île de Redonda a gagné, outre la restauration de son environnement, un statut d'aire protégée en même temps que les espaces marins qui l'entourent. La totalité de l'aire protégée recouvre 30.000 ha de terre et de mer, dont un récif corallien de 180 km². Elle hébergerait 30 espèces menacées ou quasi-menacées, ainsi que des colonies d'oiseaux marins d'importance mondiale.

En protégeant l'île de Redonda et bien qu'elle soit un pays de très petite taille, Antigua-et-Barbuda a accompli un progrès rare dans l'histoire environnementale des Antilles, qui ont connu un grand nombre d'extinctions et des dégâts environnementaux très vastes - peut-être plus que dans n'importe quelle autre partie de la planète - depuis les premiers temps de la colonisation européenne à l'extrême fin du XVème siècle.

Elle a aussi réalisé une étape importante dans la concrétisation de ses objectifs de protection de 30% de ses espaces terrestres et marins, objectifs décidés internationalement en 2022 dans le cadre dit "de Kunming-Montréal" (note = du nom des 2 villes où se sont tenues des conférences internationales destinées à protéger la biodiversité planétaire).

Source : https://www.rewild.org/press/rejuvenated-caribbean-moonscape-island-granted-protected-area-status

Illustration : l'Ameive de la Dominique Pholidoscelis fuscata, une cousine de l'Ameive de Redonda. Photo Postdlf / Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0.