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Le blog de la refaunation
8 février 2020

CHINE - L'empereur, le missionnaire, le duc et le cerf (Histoire d'un sauvetage)

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Quand l'histoire naturelle rencontre la grande histoire, la vraie, celle avec un grand "H"...

Tel est le récit de la découverte, de la quasi-disparition puis du sauvetage d'une espèce animale emblématique : le Cerf du Père David Elaphurus davidianus.

Tout d'abord il faut partir du commencement. Il y a deux millénaires, cet animal s'ébattait en liberté dans les plaines de Chine du Nord, avant d'en disparaître progressivement à l'exception d'un troupeau qui peuplait un parc, propriété impériale.

En 1861, le Père Armand David, missionnaire catholique et naturaliste (on lui doit la première description du Panda géant par un Occidental) put subrepticement (la visite du parc était officiellement interdite aux étrangers) observer ces cervidés également inconnus des Européens et se procurer une peau et des bois, qu'il envoya au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris. Quelques années plus tard (1866), la France reçut de la Chine, officiellement cette fois-ci, quelques cerfs qui furent présentés dans des zoos.

Mais les décennies suivantes, période de décadence de la dynastie Qing, furent bien plus sombres : au tournant du 20ème siècle, les inondations et les troubles politiques (révolte des Boxers) conduisirent à la destruction du parc impérial et à l'extermination de tous les cerfs restés sur le sol chinois.

Le salut devait venir de l'étranger. Le président de la société zoologique de Londres et le duc de Bedford achetèrent les 18 derniers cerfs aux zoos européens qui en possédaient encore, qui rejoignirent la propriété du duc. Le troupeau survécut et put s'accroître, en dépit de difficultés ponctuelles (notamment du fait d'hivers froids et de restrictions dues aux deux guerres mondiales) ; dans la deuxième moitié du 20ème siècle, certains des descendants partirent pour d'autres parcs et zoos en Occident puis, à partir des années 1980, à nouveau sur le territoire de la Chine qui commençait à se rouvrir au monde après les temps troublés du début du 20ème siècle (seigneurs de la guerre, occupation japonaise, guerre entre communistes et nationalistes) puis l'ère maoïste.

20 animaux furent alors réintroduits à l'emplacement exact de l'ancien parc impérial (parc de Nanhaizi). Celui-ci, de taille relativement petite et situé en banlieue de Pékin, ne pouvait pas offrir des conditions de vie optimales aux cerfs. Il fallait trouver d'autres sites.

39 cerfs furent implantés peu après dans le parc de Dafeng (un parc de 775 km² situé près du littoral en Chine de l'Est) plus apte à supporter de grands troupeaux de cerfs puis, en 1993, 34 cerfs dans le parc de Shishou dans le Centre du pays.

En 1998, une inondation frappa le parc de Shishou, menaçant à nouveau cette population. Mais cette fois-ci, les cerfs purent trouver refuge dans des forêts voisines (bien que celles-ci n'étaient pas officiellement protégées). Plutôt que les recapturer, les spécialistes préférèrent voir si les cerfs allaient s'adapter à ces nouvelles conditions de vie, et leurs espoirs ne furent pas déçus.

Aujourd'hui, quelque 6.000 cerfs peuplent le parc de Dafeng, 600 à 1.000 vivent à Shishou et 200 à Nanhaizi et leurs populations croissent rapidement.

Il semble que les cerfs n'aient pas développé de tares liées à la consanguinité, ce qui est étonnant du fait du très petit nombre de survivants (18!) il y a un peu plus d'un siècle. Il est possible que l'espèce se soit adaptée à une faible diversité génétique, la vie en milieu confiné (et en petit nombre) dans le parc impérial pendant une longue période ayant conduit à éliminer progressivement les gènes délétères. 

Bien que le Cerf du Père David reste encore assez rare et vulnérable, l'histoire de cet animal est à considérer comme un succès, qui n'est pas isolé : dans d'autres parties du monde, le Bison d'Europe, l'Oryx d'Arabie ou le Cheval de Przewalski ont connu des destins comparables. Elle montre aussi que la coopération internationale et que l'élevage conservatoire en captivité peuvent décider du destin d'une espèce.

Source : https://www.atlasobscura.com/articles/french-missionary-english-duke-bring-back-chinese-deer

Illustration : Cerfs du Père David. Photo T. Voekler / Wikimedia Commons.

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